Le sacré et le quotidien
J'en ai déjà parlé : dans mon quotidien italien, sur la blogosphère, sur le réseau de l'araignée virtuelle aussi, je cours, je cours, cours et cours sans cesse. Pas une seconde pour me poser, trop de choses à voir, découvrir, penser, retrouver.
Je cours et puis, moi-même, il m'arrive de me sentir prise par un vent qui n'est pas forcément le mien. Influençable peut-être, peut-être, peur des qu'en-dira-ou-pensera-t-on, surtout.
J'ai déjà dit mes craintes sur tout cela. Aujourd'hui je voudrais me lancer dans ma Soif : sans retour, de plein coeur, de plein fouet. Je livre là ce qui est le plus important pour moi. Je voudrais le faire, oh, avec pudeur... délicatesse, et pour que cela puisse parler aussi à ceux qui ne connaissent pas ou peu Celui que j'aime par-dessus tout.
Méditons-dimanche alors, dans l'aube de ce samedi qui se lève...
Il y a un lieu sur la terre où le quotidien se mêle au sacré profond.
Je suis intriguée par les personnes qui, sans avoir d'autre foi que l'amour de la vie et de la nature, vivent parfois ces expériences mystiques qui tiennent au sacré. L'ésotérisme en est plein, l'ambiance de libre spiritualité et des choses simples en regorge. Chacun de nous peut se sentir transporté par la puissance de l'amour, la puissance de la vie, la puissance de tant de beauté dans les choses et le monde.
Je me demande souvent, dans mon exil, ce qui distingue ces personnes de moi - ce qui distingue les personnes qui n'ont pas d'autre foi que celle de l'amour, de la vie, de la beauté qui les environnent - de moi.
Car moi, avec ma petite foi catholique, qu'ai-je de plus ? mieux ? différent ? A quoi cela me sert-il, ne me dessert-il pas plutôt ? Ah-ah, catholique*, ce que c'est restreint....
Pourquoi m'y tenir alors ?
Il y a un lieu sur la terre où le quotidien se mêle au sacré profond.
A la messe, quand un homme avec son quotidien prononce des paroles sacrées, précisément, devant une assemblée de personnes dans leur quotidien, il se passe une rencontre inaliénable. Un déchirement du Ciel si lointain, qui vient se planter là sur l'autel, comme une fusée - mais il ne fait pas de bruit...
Que l'on croit ou non, de toutes façons, il faut bien croire en quelque chose : le bon sens du coeur et de l'âme savent bien que ce bas-monde est vain. Que nos échecs, nos limites, les peines et imperfections de ce monde ne correspondent pas, pas, pas à ce pour quoi nous sentons bien que nous sommes faits. Nous ne pouvons bâtir de monde meilleur, si nous n'avons pas la foi, au fond, que nous sommes faits pour quelque chose de meilleur... Sans quoi nous serions là simplement, béants, à nous désespérer, c'est si facile le désespoir, cela vient si promptement. Le monde semble tellement, tellement, tellement résister à nos quêtes... Tellement et d'une manière si vile, si lâche et dans de toutes simples petites choses (je rate le bus / j'ai une amende / je me suis coupé le doigt /...) autant que jusque dans les grandes guerres atroces.
La mort elle-même, nous ne pouvons y croire. La mort n'est pas tolérable et tous, si nous y regardons bien au fond du vrai de nous, tous nous la refusons au plus profond. Nous savons bien que l'amour, la vie, la beauté doivent bien être plus forts que tout cela. Mais nous ne savons pas comment.
Un déchirement du Ciel si lointain...
J'ai une fusée d'amour qui me fait vivre. Dimanche après dimanche, si discrètement. Il fut un temps de ma ferveur où j'en mangeais tous les jours, qu'il était bon, ce temps ! mon désert actuel me sert à creuser mieux mon coeur, je le sais, et pourtant.
Ô, déchirement du Ciel ô, fusée douce d'Amour ô, ce moment si intense où ta grandeur, Dieu, vient dans un petit bout de pain pour te donner à moi.
Déchirement du Ciel.
Comment dire ? ...
...Toute ma quête, toute mon attente, toute ma soif se trouvent enfin nourris, enfin comblés. Les horreurs, les piqûres du quotidien comme les plus atroces souffrances sont intégralement récupérées, offertes, rendues saintes, brillantes de clarté et de lumière... Les haines sont assumées pour devenir de l'amour... Le sang versé de toute éternité se trouve là, offert, comme la plaie la plus béante de la Terre qui peut enfin trouver un sens, enfin trouver un sens, dans ces méandres de nos humanités qui ont perdu tantôt le coeur, tantôt la raison. Les larmes du monde entier s'habillent de salut, la masse quotidienne et la masse d'horreurs du monde revêtent un vêtement blanc. Un vêtement blanc, d'amour et de sang. Un vêtement qui nous emmène au plus saint des saints lieux, là où nous ne savons pas ce qui est, mais là où tout n'est que ce après quoi nous aspirons, de tout notre être. Là où tout ce qui fait notre quête se trouve vraiment, et sans aucune tâche.
Déchirement du Ciel et fusée d'Amour.
Il y a un lieu sur la terre où le quotidien se mêle au sacré profond... c'est un lieu doux-tendre, que l'on trouve encore dans quelques églises, quelques dimanches, parfois...**
* "Catholique", à l'origine, est un mot grec qui signifie "universel"... ... ...
** Mais hélas, il faut comprendre une chose un peu complexe : car le sacré, là, vient se fondre précisément quand un homme, avec son quotidien, prononce des paroles devant une assemblée de personnes, dans leur quotidien... Avec ce que cela engage de triste, terne, même désagréable, parfois.
Merci, pourtant, ô Ciel qui se déchire...